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CHICHINPUIPUI
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4 octobre 2007

KOKORO 心

La question est de savoir si le poète (haïjin) exprime ses sentiments explicitement dans un haïku. J'ai relevé quelques exemples où le mot cœur (kokoro en japonais) apparaît. Chez Bashô, c'est très rare et moins rare chez Santoka.

Arô (1879-1951)

漕ぎ出て 遠き心や 虫の声
kogidatete / tooki kokoro ya / mushi no koe

partant en barque
un cœur qui s'éloigne
le chant des insectes

Awano (1899-1992)

髪洗う すなわち 心洗いたく
kami arau / sunawachi kokoro / araitaku

Je me lave les cheveux
c'est-à-dire
que je me lave l'âme

春惜しむ 心比すれば 老にけり
haru oshimu / kokoro hisureba / oini keri

En secret
le printemps me manque
je vieillis

Bashô (1644-1694)

住つかぬ 旅のこ々ろや 置炬燵
sumitsukanu / tabi no kokoro ya / okigotatsu

fixé nulle part
et mon cœur errant aussi —
kotatsu mobile !

義朝の 心に似たり 秋の風
yoshitomo no / kokoro ni nitari / aki no kaze

au cœur de Yoshitomo
semblable
le vent d'automne

野ざらしを 心に風の しむ身哉
nozarashi o / kokoro ni kaze no / shimu mikana

résigné à mourir de froid
comment le vent
me traverse !

Buson (1716-1783)

裾に置きて 心に遠き 火桶かな
suso ni okite / kokoro ni tôki / hioke kana

Au bas de ma robe
Et pourtant loin de mon cœur
Ah ! le brasero

冬籠 心の奥の よしの山
fuyugomori / kokoro no ôku no / yoshino yama

retiré l’hiver
mais le cœur plein
du mont Yoshino

我園の まくおも盗 こころ哉
agaen no / maku omo nusumu / kokoro kana

dans mon jardin
cueillant un melon
j'ai l'impression de le voler

春や 重たき琵琶の 抱心
yukuharu ya / omotaki biwa no / dakigokoro

départ du printemps -
lourd le biwa
pour ce cœur qui le serre

裾に置て 心に遠き 火桶かな
susoni oite / kokoroni tooki / hioke kana

près des pieds
loin du coeur
le brasero

Chiyo-ni (1703-1775)

かけたらぬ 女心や 土用干
kaketaranu / onnagokoro ya / doyôboshi

jamais éteint
mon cœur de femme
j’aère mes vêtements

Hisajo (1890-1946)

春の陽に 心踊りて 襟掛けぬ
haru no hi ni / kokoro odorite / eri kakenu

lumière de printemps -
mon cœur danse en choisissant
le col de mon kimono

貧しき群れに 落ちし心や 百合にはず
mazushiki mureni / ochishi kokoro ya / yurini hazu

dans l’horrible foule
mon cœur s’est brisé
à la vue des lys innocents

Issa (1763-1827)

何もないが 心安なよ 涼しさよ
nanimo nai ga / kokoro yasunayo / suzushisa yo

Ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais

Mizuhara (1892-1981)

鰯雲 心の波の すえ消えて
iwashi-gumo / kokoro no nami no / sue kiete

Passe un banc de nuages
la houle de mon cœur
va expirant

青春の 過ぎにし心 苺食う
seishun no / suginishi kokoro / ichigo kuu

Printemps de ma vie
dépassé
je croque une fraise

Santoka (1882-1940)

心むなしく あらなみの よせてはかえし
kokoro munashiku aranamino yosetewa kaeshi

Le cœur vide
les vagues furieuses
m’assaillent, se retirent

蜻蛉去れば 蜂が来る事務 静心
tonbo sareba / hachi ga kuru jimu / shizugokoro

Une libellule part,
une abeille arrive à mon bureau
le cœur serein

こころおちつけば 水の音
kokoro ochitsukeba / mizu no oto

Mon cœur s’est calmé le bruit de l’eau

心疲れて 山が海が 美しあぎる
kokoro tsukarete yamaga umiga utsukushi agiru

Le cœur las
montagnes et mers
magnifiques

Shiki (1867-1902)

暑乱くるし 乱れ心や 雷をきく
atsukurushi / madare kokoro ya / rai o kiku

la chaleur est suffocante
le cœur agité
j'écoute le tonnerre

野分の夜 文読む心 定らず
nowaki no yo / fumiyomu kokoro / sadarazu

tempête d'automne
la nuit je lis un livre
le cœur agité

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11 juillet 2007

KIGO : mots de saison

   Shokan Tadashi Kondo, professeur d'anglais à l'Université Seikei à Tokyo, spécialiste du renku (連句) ou poème lié, invité par l'AFH (Association Francophone de Haïku) à Paris en novembre dernier, nous invite à créer nos propres mots de saison ou kigo (季語), à partir du calendrier solaire et de ses divisions.

En Occident, notre calendrier comprend 52 semaines de 7 jours chacune. Pour les poètes japonais, l'année est divisée en 72 périodes de cinq jours chacune.

Shokan Tadashi Kondo, initiateur de Renku Performance, explore les potentiels du renku dans le domaine artistique multi-media, est membre de Renku Association, fondateur et coordinateur de United Nations of Renku, et directeur de Isehara Renku Society. Il est également l'auteur de plusieurs ouvrages sur la poésie.

- Principles of Universal Haiku Grammar, sur le style et la poésie commune à tous les langages
- World Renku (poésie liée) sur les perspectives de la sémiotique internationale (language des signes)
- Link and Shift, sur les principes qui règle l'écriture du renku.

Ci-joint les textes en anglais de son émission radio et de sa conférence à Vadstena en Suède.

haiku_radio_7_juillet_2007  (Le 7 juillet au Japon est la fête de Tanabata (七夕), le jour où la princesse Irohime et son bouvier se retrouve enfin sur la voie lactée).

24_divisions du calendrier solaire

72_périodes

comment créer_72_périodes : sujet de la deuxième conférence européenne de Haiku à Vadstena (Suède), le 8-10 juin 2007.

3 juillet 2007

KAKASHI l'épouvantail

Au Japon, les traits du kakashi sont représentés par le henohenomoheji, soit sept hiragana (he, no, he, no, mo, he, ji), que les écoliers dessinent sur la tête de l'épouvantail. L'équivalent de la tête à toto chez nous.

Les sourcils : he + he (へ)
Les yeux : no + no  (の)
Le nez : mo (も)
La bouche : he (へ), d'où un visage peu souriant, triste, sombre, parfois peu sympathique.
Le contour : ji (じ)
L'oreille gauche est représentée par le dakuten ou diacritique du ji en forme de deux petits traits.

Le henohenomoheji est actuellement utilisé dans les mangas ou la culture pop et les dessins animés, etc.

  kakashi

Les poètes l'ont célébré maintes et maintes fois. Dans un ouvrage (L'épouvantail autoportrait, Moundarren 1999) qui lui est consacré, figurent les plus illustres. On lui prête une dimension humaine, alter ego du pauvre haïjin et on le plaint souvent.

BASHÔ (1644-1694)

かりてねむ案山子の神や夜半の霜
karite nemu / kakashi no kami ya / yowa no shimo

j’emprunterais bien pour dormir
sa veste à l’épouvantail
givre nocturne

BONCHÔ ((?-1714))

物の音一人たおるる案山子かな
mono no oto / hitori taoruru / kakashi kana

drôle de bruit
l'épouvantail
dégringole tout seul

BUSON (1716-1783)

傘とれて面目もなき案山子かな
kasa torete / menmoku mo naki / kakashi kana

il a perdu son chapeau
l’épouvantail
il a perdu la face

CHOI

秋風の 骨まで渡る案山子かな
akikaze no / hone made wataru / kakashi kana

le vent d'automne
le traverse jusqu’à l’os
l’épouvantail

HOKUCHI (1665-1718)

立ちながら往生申す案山子かな
tachi nagara / oujô mosu / kakashi kana

encore debout
résigné à mourir
ah ! L’épouvantail

henoheno5ISSA (1763-1827)

身の老や案山子の前も耻しき
mi no oi ya / kakashi no mae mo / hazukashiki

de mon vieux corps
même devant l’épouvantail
j’ai honte

我よりは若し案山子の影法師
ware yori ha / wakashi kakashi no / kagebôshi

plus jeune que moi
la silhouette
de l’épouvantail

jÔsÔ (1661-1704)

据風呂の下や案山子の身の終り
suefuro no / shitaya kakashi no / mi no owari

à chauffer la baignoire
se termine la vie
de l’épouvantail

KIKAKU (1661-1707)

冬来ては案山子にとまる烏かな
fuyu kite wa / kakashi ni tomaru / karasu kana

l’hiver arrive
sur l’épouvantail se perche
un corbeau

henohenoNYOFU

拵へし時から古き案山子かな
koshiraeshi / tokikara furuki / kakashi kana

à peine terminé
il est déjà vieux
l’épouvantail

OTSUYU (1675-1739)

秋ふけて木の葉衣の案山子かな
aki fukete / ki no ha koromo no / kakashi kana

au profond de l’automne
habillé de feuilles mortes
l’épouvantail

SAZANAMI

案山子から案山子へ渡る雀哉
kakashi kara / kakashi e wataru / suzume kana

d’épouvantail
en épouvantail volent
les moineaux

SEIBI (1748-1826)

雨降れば人によく似る案山子かな
ame fureba / hito ni yoku niru / kakashi kana

quand il pleut
il ressemble à un humain
l’épouvantail

SHIKI (1867-1902)

大水を踏みてたへたる案山子かな
ômizu o / fumiteta hetaru / kakashi kana

dans le champ inondé
il souffre mais tient bon
l'épouvantail

人に似て月夜の案山子あわれなり
hito ni nite / tsukiyo no kakashi / aware nari

semblable à un homme
l’épouvantail les nuits de lune
est bien misérable

SHÔHA (1727-1771)

夕日影道まで出づる案山子かな
yûhikage / michimade dezuru / kakashi kana

au soleil couchant
son ombre atteint la route
ah ! l’épouvantail

SHOSHU

薪ともならで朽ぬる案山子
takigi tomo / narade kuchinuru / kakashi

même pas bon à brûler
il est tout pourri
l’épouvantail

TAIGI (1709-1771)

吹倒す起す吹かるる案山子成
fukitaosu / okosu fukaruru / kakashi kana

renversé, redressé
renversé à nouveau
ah ! l’épouvantail

wikipediaYAGU

足下の豆盗まるる案山子かな
ashimoto no / mame nusumaruru / kakashi kana

à ses pieds
on vole les haricots
ah ! l’épouvantail

14 mai 2007

Le petit Nicolas

semp_001
"  Devant une telle évidence, la vie danse... " - neko, mémoire de chat -

*

devant l'évidence
les yeux de neko brillent
re-connaissance

L'homme s'émerveille d'augmenter son degré de connaissance, en même temps que sa conscience s'éveille. Mais, rien là que de très naturel. L'animal, lui, connaît déjà son maître. A-t-il besoin de le reconnaître ?

Toute la vie est faite de cette inconscience qui affleure au niveau conscient, de ces instants connus mais oubliés, puis reconnus. Sempé illustre magnifiquement l'esprit du haïku, ce moment fugitif, éphémère, aussitôt oublié, qui renaît plus tard sous un autre éclairage. Un petit bijou, une perle à conserver dans l'écrin de sa mémoire.

11 mai 2007

Pissenlit ou dent de lion, taraxum

pissenlitEn France, le pissenlit ou dent de lion (taraxum) a une connotation particulière. Larousse en a fait un symbole pour son dictionnaire : « Je sème à tout vent ».

Si les feuilles et la fleur de pissenlit sont comestibles, la racine par contre ne l’est pas, du moins l’expression « manger les pissenlits par la racine » nous fait croire que nous ne sommes plus à même de goûter cette plante.

En mangeant les fleurs et les feuilles de pissenlit en salade :

les dents de lion
fleurissent dans mon assiette
plus tard la racine

*

Pour les Japonais, le tanpopo 蒲公英 ou tsuzumigusa 鼓草, n’est qu'une plante à fleur jaune ou herbe à tambour fleurissant au printemps. 

CHIYOJO

たんぽぽや
折々さます
蝶の夢

tanpopo ya / oriori samasu / chyô no yume

les pissenlits
de temps à autre réveillent
les papillons de leurs rêves

*

SENSEISUI

たんぽぽたんぽぽ砂浜に春が目を開く

tanpopo tampopo sunahama ni haru ga me o hiraku

pissenlits, pissenlits
sur la plage
le printemps ouvre les yeux

*

SAITO

たんぽぽ茎
短し天しんに
青き穴

tanpopo kuki mijikashi tenshin ni aoki ana

la tige du pissenlit est courte
un trou bleu
au plus haut point du ciel

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4 mai 2007

Deutzie, deutzia gracilis

DEUTZIEArbuste de la famille des Hydrangeacées (Hortensia, Hydrangée) d’origine japonaise. Son nom, deutzia, vient du botaniste hollandais Johann van der Deutz (18e siècle) qui l’a introduit en Occident. "gracilis" traduit comme "gracieux" ou "mince", se rapporte aux tiges minces. Fleur d'été.

En japonais :
空木 (うつぎ)
UTSUGI
卯の花(うのはな)
U NO HANA
雪見草(ゆきみぐさ)YUKIMIGUSA

Matsuo Bashô

梅恋ひて
卯の花拝む
涙かな

ume koite / u no hana ogamu / namida kana

c'est avec des fleurs de deutzies
hélas que je pleure
l'ami des pruniers

*

Kawaï Sora

卯の花を
かざしに関の
晴れ着かな

u no hana o / kazashi ni seki no / haregi kana

tenue d'apparat
pour passer la barrière
sur nos chapeaux des fleurs de deutzie

*

Natsume Sôseki

卯の花や
盆に奉捨を
のせてでる

u no hana ya / bon* ni hôsha o / nosete deru

ah ! les deutzies
je sors en offrir
un vase plein

*bon = fête des morts, a lieu en juillet.

27 mars 2007

Sugita Hisajo et la nature

pueraire_kudzu会いよりて 葛の雨聞く 傘触れ

aiyorite / kuzu no ame kiku / kasa fureshi

en se rapprochant
pour écouter la pluie sur la vigne* -
nos parapluies se touchent

* kuzu = puéraire, ou kudzu, ou vigne kudzu (pueraria lobata), arrow root en anglais, est une plante vivace de la famille des Fabacées originaire d'Extrême-Orient. Pueraria, fait référence à l'exceptionnelle vitalité de ces plantes envahissantes. La puéraire fleurit en automne, ses fleurs sont doucement parfumées. Sa racine est utilisée dans la cuisine asiatique comme épaississant. Le kuzukiri. est un dessert très connu. Elle a également de nombreuses vertus médicinales.



higanbana11我につきいし サタンはなれぬ 曼珠沙華

ware ni tsuki ishi
Satan hanarenu
manjushage*

Satan me poursuit
et ne me quitte pas-
amaryllis en touffe

* manjushage : nom littéraire (Cluster amaryllis), la fleur aux 600 noms ou higanbana : fleur d'équinoxe (彼岸花), est la fleur des Japonais et des poètes. Fidèlement, à l'équinoxe d'automne, jaillissent de terre, sur de hautes hampes, ses fleurs de flammèches rouges. Sa floraison en masse, le long des fossés d'irrigation, strie les paysages des rizières de zébrures sanglantes. La magie de la fleur et celle des traditions font le succès de bien des haïkus et des estampes.

Higan : fête bouddhiste de 7 jours ayant lieu à chaque équinoxe, consacrée à la mémoire des morts et à l'entretien des tombes. La fleur apparaît pendant l'higan d'automne, d'où ce nom et quelques autres :
shibito bana : fleur des morts
tengai bana : fleur de l'au-delà
yûri bana : fleur des fantômes
sugeto bana : fleur orpheline

Magnolia_grandiflora

長い雨や 泰山木の花落ず

naga ame ya
taisanboku* no
hana ochizu

pluie persistante-
les fleurs du magnolia
ne sont pas encore tombées

* taisanboku (泰山木) : magnolia grandiflora fleurit en été.


cerisier桜咲く憂さの暮れ橋うち渡り

sakura saku / usa no kurehashi / uchiwatari

cerisiers en fleurs-
sur le vieux pont
je traverse mélancolique



bourgeons土濡れて 久女の庭に 芽ぐむ物

tsuchi nurete / Hisajo no niwa ni / megumumono

sol détrempé-
dans le jardin d'Hisajo
tous ces bourgeons !



asagao28

朝顔や 濁り初めたる 市の空

asagao* ya / nigori hajimetaru / ichi no sora

belles de jour-
le ciel au-dessus du marché
devient nuageux

*

夕顔や ひらきかかりて 襞深く

yûgao* ya / hiraki kakari te / hida fukaku

le volubilis
juste entr'ouvert
profondément froissé

* asagao : belles de jour, littéralement visage du matin et yûgao, visage du soir : volubilis (ipomea). Ce sont des fleurs très prisées au Japon.

rosejaune薔薇香るまあぶるのひに哀詩あり

bara kaoru / maaburu no hi ni / aishi ari

parfum de roses
une élégie gravée
dans le marbre

24 mars 2007

Sugita Hisajo (1890-1946)

Hisajo s'est appliqué, sa vie durant, à l'art de la calligraphie et du haiku. Innovatrice dans le monde du haïku, féministe avant l'heure, elle nous révèle sa coquetterie, voire sa sensualité dans le port du kimono. Malheureusement atteinte de démence vers la fin de sa vie, Hisajo est morte sans être acceptée dans le monde du haïku. Ses œuvres sont considérées comme étant l’une des sources du haïku contemporain.

Micheline Beaudry lui consacre un article, ainsi qu'aux autres femmes poètes japonaises dans la revue canadienne Arcade n°64, dont le thème est l'instant - automne 2005. Je la remercie de m'avoir fait connaître et la revue et les haijins féminines. On ne trouve que très peu de traductions françaises. Je me suis donc inspirée des traductions anglaises de World Haiku Review pour interpréter ces haïkus.

春の陽に
心踊りて
襟掛けぬ
haru no hi ni / kokoro odorite / eri kakenu

lumière de printemps-
mon cœur danse en mettant
le col de mon kimono

Mais le port du kimono n'est pas toujours un plaisir, lorsque la ceinture (obi) rigide devient une gêne.

板の如き
帯に刺されぬ
秋おぎ
ita no gotoki / obi ni sasarenu / aki ogi

enfoncé dans l'obi
trop serré et rigide
un éventail d'automne [trad. M. Beaudry]

*

花衣
脱ぐやまつはる
紐いろいろ
hanagoromo / nuguya matsuharu / himo iroiro

kimono fleuri-
en se déshabillant s’accrochent
les différents cordons

*

薄物に
衣通る月の
肌へかな
usumono ni / so tôru tsuki no / hadae kana

à travers le kimono léger
la lune effleure la peau nue

Gestes d'une femme se lavant les cheveux.

菊の日に
雫振り梳く
濡毛かな
kiku no hi ni / shizuku furi suku / nurege kana

jour des chrysanthèmes-
en peignant mes cheveux mouillés
une pluie de gouttes

Sa compassion s'adresse aussi bien aux êtres humains qu'aux fleurs.

秋宮に
髪むしり泣く
女哉
aki miya ni / kami mushiri naku / onna kana

temple en automne -
tirant violemment ses cheveux
une femme pleure

*

貧しき群れに
落ちし心や
百合にはず
mazushiki mureni / ochishi kokoro ya / yurini hazu

dans l'horrible foule
mon coeur s'est brisé
à la vue des lys innocents

Japonaise catholique ?

バイブルを
良む淋しさよ
花の雨
baiburu o / yomu sabishisa yo / hana no ame

lisant la bible
seule-
pluie de pétales

*

雪道や
降誕際の
窓明り
yuki michi ya / kôtansai no / mado akari

fenêtre éclairée
sur le sentier neigeux
fête de la nativité*

* plutôt que de traduire "soir de Noël", j'ai préféré la traduction littérale plus proche du sens.

Un peu de légèreté aussi dans ses désirs de femme.

秋木ぬと
サファイア色の
小鯵買う
aki kinu to / safaia iro no / koaji kau

l'automne est là-
j'achète
un petit poisson saphir

Hisajo mère :

朝寒の
釜たくわれに
起き来る子
asazamu no / kama taku ware ni / oki kuru ko

matin de froid-
tandis que j'allume le feu
l'enfant réveillé me rejoint

Adaptation française de neko.

13 mars 2007

Eclipse de lune vue par Issa

人数は
月より先へ
欠けにけり

hitokazu wa / tsuki yori saki e / kakenikeri

bon nombre de gens
avant que la lune l'ai fait
se sont éclipsés*

* Exemple typique de jeu de mots à la manière de l'école Danrin. Issa regarde une éclipse totale de lune, entre dix heures et trois heures du matin, selon la note dont il fait précéder le poème, et les curieux lassés par l'attente disparaissent (kakenikeri) l'un après l'autre avant que la lune soit complètement éclipsée (kakenikeri). [Kobayashi Issa, En village de miséreux - Gallimard 1996]

Il semblerait que nous ayons le même jeu de mots en français.

9 mars 2007

MIYABI : splendeur et sérénité

A l’occasion de la Journée internationale de la femme 国際女性デー (kokusai josei de-), le Japon a organisé une soirée à l’UNESCO sur le thème : MIYABI - splendeur et sérénité.

Au programme :

-          Cérémonie de l’habillage : Jûni-hitoe 十二単 (12 couches)

-          Témoignage du maître du Théâtre Nô, Noriko Tomiyama.

habit_detail3

Le Jûni-hitoe est le costume des Dames de la Cour impériale au xie siècle, époque Héian, toujours en usage dans la Maison impériale, porté à l’occasion des cérémonies de la cour à très haut protocole. Il est composé d’une superposition de kimonos dont les étoffes, les couleurs et les motifs rivalisent de somptuosité et de délicatesse par le jeu des matières, des tissages et des incrustations et broderies. Le style du Jûni-hitoe est resté inchangé depuis mille ans.

Deux assesseurs, dont Reiko Shoji, présidente de l’école Takakura de Emondo, pour habiller le sujet impassible, car il existe une école pour apprendre à habiller les autres. Au Japon tout est érigé en art.

Les kimonos, tous plus colorés les uns que les autres, s’ajoutent en couches successives (traditionnellement 12, mais je n'ai pas compté) sur la mannequin vivante (l’est-elle ?). Les deux femmes qui s’occupent d’elle, nouent les cordons de la ceinture et arrangent les plis pour former une suite harmonieuse de couleurs. Une belle cérémonie, pleine d’élégance, mais qui magnifie la femme-objet, femme désincarnée.

no2Théâtre Nô. En revanche, pour la journée de la femme, c’est lui rendre hommage que de l’accepter dans le théâtre traditionnel Nô, réservé aux hommes. Car chacun sait que les rôles féminins étaient tenus par des hommes (女形onnagata). Le témoignage de Noriko Tomiyama, 80 ans, montre les efforts intenses qu’il a fallu pour faire connaître le monde féminin. Ce fut une surprise pour moi de voir que les choses évoluent au Japon dans ce domaine, ce qui n’a pas du être sans mal. De plus, insigne suprême, elle a été classée « Trésor National Spirituel » depuis 2004. A la différence des hommes, Noriko joue à visage découvert, ce qui est une innovation. Le masque est l’apanage des hommes.

Représentée par son élève, un bout de Hagoromo (羽衣 habit en ailes d’ange), la pièce la plus connue au Japon. De circonstance après l’habillage que certains auraient voulu un déshabillage.

Soirée intéressante !

Quelques photos en plus.

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