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25 octobre 2009

Deux étrangers, de Mahmoud Darwich

Il regarde le firmament
et voit une étoile
qui le regarde !

Il regarde la vallée
et voit sa tombe
qui le regarde !

Il regarde une femme
qui le tourmente et l'attire,
mais elle ne le regarde pas !

Il se regarde dans le miroir
et voit un étranger, comme lui,
qui le regarde !

La trace du papillon. Pages d'un journal (été 2006-été 2007) - Actes Sud 2009

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18 octobre 2009

Figures poétiques japonaises

Figures poétiques japonaises. La genèse de la poésie en chaîne par Sumie Terada, édité par le Collège de France/ Institut des Hautes Études Japonaises (Diffusion de Boccard, Paris 2004).

Par poésie en chaîne, il faut entendre le renga 連歌, poème composé par plusieurs poètes. Le renga amène deux réflexions : l'organisation en continu de fragments et, d'autre part, la création collective... (La littérature japonaise témoigne d'un goût marqué pour le fragmentaire).

Ci-dessous un extrait des principales figures rhétoriques de la poésie antique, le tan-renga 短連歌 ou " renga court ", qui a la même forme que le tanka 短歌 au point de vue métrique (5/7/5/7/7).

Répétition et reprise

Ya-kumo tatsu                        — Une multitude de nuées — s'élève76
Izumo yae-gaki                       Le pays d'lzumo, (où s'élèvent les nuages77)
                                                                             et ses mille barrières,

Tsuma-gomi ni                                       Pour cacher ma femme
Yae-gaki tsukuru                                   Je dresse mille barrières
Sono vae-gaki o                                     Ah ! ces mille barrières78 !

La légende veut qu’une divinité ait composé ce poème lorsque, pour célébrer ses noces, elle bâtit son palais au pays d’Izumo, une terre pure. Ce poème d’une facture excessivement répétitive ne fait qu’affirmer l’existence de barrières (ou haies) qui entourent la demeure nuptiale. Par la répétition, le poème pose comme incontestable leur existence. Il puise sa force d’affirmation dans cette seule répétition, sans chercher à établir de relation avec d’autres faits susceptibles de le situer dans le réel.

Dans ce sens, ce procédé se situe à l’extrême opposé de la démarche argumentative dont la visée est d’établir des relations (causes et conséquences) qui n’entrent pas en contradiction avec les idées généralement admises. Les exemples cités se limitent à la pure affirmation d’un sentiment éprouvé ou d’un fait constaté. Cette approche énonciative peut être rapprochée d’une attitude remarquable des Japonais vis-à-vis de la poétique chinoise. Alors qu’ils ont adopté avec le plus grand zèle la poésie chinoise et ses procédés rhétoriques, ils se sont presque totalement désintéressés d’une fonction essentielle de celle-ci, à savoir, l’exposé d’idées, de pensées politiques ou critiques. Une telle indifférence aux développements argumentatifs peut être expliquée par le rôle que les Japonais antiques ont assigné au langage poétique.

À propos de la croyance dans le kotodama* il est apparu que le langage avait pour fonction de désigner le monde et non d’en construire une représentation hiérarchisée. Or, l’analyse de tanka répétitifs a révélé leur fonctionnement exclamatif. Dans l’un comme l’autre cas, l’opération essentielle consiste à affirmer l’existence de faits réels (y compris les phénomènes surnaturels) et ne vise pas à les comprendre en leur donnant une interprétation cohérente.

Il s’agit là de la manifestation d’un principe fondamental de la poésie japonaise qui n’a pour ainsi dire pas changé depuis l’antiquité. C’est du moins ce que suggère une notion comme celle du mono no aware79 dans laquelle Motoori Norinaga (1730-1801) voit la caractéristique de la littérature japonaise traditionnelle. Or, on le sait, le mot aware qui désigne un état réceptif, émotionnel et fusionnel de l’homme dans sa relation avec le monde extérieur environnant, provient étymologiquement d’une interjection.

Le mouvement récurrent de la fragmentation qui a conduit la poésie japonaise à sa forme extrêmement brève peut s’expliquer si sa visée fondamentale est l’exclamation. En effet, l’exclamatif constitue le point de jonction entre les représentations du monde véhiculées par le langage et l’émergence du réel brut, rebelle au traitement structuré qu’exerce tout discours. C’est cette émergence que Barthes a qualifiée de « tilt » en citant un haiku 俳句 de Bashô :

Naturellement, le tilt, "c’est ça", est anti-interprétatif, c’est-à-dire, ce qui fait tilt dans le langage normalement bloque l’interprétation. Dire "Ah !

75 Man.yô-shû livre Il, Sômon, n°95.
76 Ya-kumo tatsu est le mot initiateur du toponyme lzumo.
77 Izumo veut dire « nuages qui s’élèvent ».
78 Kojiki

79 État des choses qui émeut la sensibilité humaine. Selon Norinaga, l’homme compose le poème pour canaliser la charge de mono no aware quand celle-ci devient trop forte (Isano-kami sasame-goto <Les murmures de l'ancien sanctuaire Isano-Kami> in Motoori Norinaga shû, S-NKS, 1983, pp. 280-305).
80 Norinaga le personnage le plus fécond de l'école des études nationales, contribua d'une façon significative au développement de la linguistique japonaise et des études critiques sur les textes littéraires.

·  Kotodama 言霊 

… le mot ne fonctionne pas comme représentation mais comme « désignation », et en ceci il est en-deçà de la fonction symbolique…

Les textes antiques japonais sont imprégnés de la pensée mythique du langage.

Une genèse intéressante de la poétique japonaise qui peut nous éclairer sur le haïku.

18 octobre 2009

Tanka du Manyôshû, sarcelle

高山に
たかべさわたり
たかたかに
あがまつきみを
待ちいでむかも

taka-yama ni
takabe sa-watari
takataka ni
aga matsu kimi wo
machi-idemu kamo

au-dessus des monts
passent les vols de sarcelles
cette personne que j'attends
si impatiemment
se montrera-t-elle enfin ?

anonyme du Manyôshû

* les homophonies portant sur taka dans les trois premiers vers ne peuvent être rendues dans la traduction

17 octobre 2009

Michael Kenna, photographe

Pour ceux qui ne connaissent pas le travail de ce photographe anglais, vous pouvez consulter son site www.michaelkenna.net. Une rétrospective a lieu actuellement à la Bibliothèque nationale de France. Du classicisme en noir et blanc, du graphisme et des paysages, urbains ou non, très épurés où les chiffres tiennent une grande place. Voir le titre de ses oeuvres : 2 (bateaux, berges, pêcheurs, môles), 3 (fours, urnes, fenêtres, portes), 10 (arbres, oiseaux, bateaux), 12 (heures, pas), 20 (pieux), etc. Du dépouillement extrêmement étudié, de quoi plaire aux minimalistes.

De ce tirage - Spider and Sacred Text, Study 2, Gokurakuji, Shikoku, Japan, 2001, j'ai tiré un haïku.

a4014b17

troublée
l'araignée s'attache
au texte

17 octobre 2009

Tanka du Manyôshû, coq

赤時と
かけは鳴くなり
よしゑやし
一人ぬる夜は
開けば開けぬとも

akatoki to
kake ha nakunari
yoshiweyashi
hitori nuru yo ha
akeba akenu tomo

quand, au point du jour,
éclate le chant du coq,
que peut bien me faire
que l'aube arrive ou non
puisque seul j'ai passé la nuit

anonyme du Manyôshû

* kake désigne le coq à longue queue, proche de son ancêtre sauvage. Le chant du coq est l'image de l'aube.

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16 octobre 2009

waka de l'époque Héian (5)*

白波の
跡なき方に
行く舟も
風ぞたよりの
知る辺なりける

shiranami no
ato naki kata ni
yuku fune mo
kaze zo tayori no
shirube narikeru

là-bas
où se perd l'écume des vagues
le navire, lui au moins, va
selon le vent
qui le guide

Fujiwara no Kachion

* tous ces wakas sont issus du Kokin wakashû, recueil du 10e siècle.

15 octobre 2009

waka de l'époque Héian (4)

秋霧の
晴るる時なき
心には
立ちゐのそらも
思ほえなくに

akigiri no
haruru toki naki
kokoro ni ha
tachi wi no sora mo
omohoenaku ni

mon cœur
est comme le ciel
couvert du brouillard d'automne
qui ne se lève jamais.
Je ne puis penser.

Oshikôshi no Mitsune (898-922), un des 36 poètes immortels.

14 octobre 2009

waka de l'époque Héian (3)

葦引きの
山した水の
こがくれて
たぎつ心を
せきぞかねつる

ashihiki no
yamashita mizu no
kogakurete
tagitsu kokoro wo
seki zo kanetsuru

comme l'eau
en bas de la montagne
couverte par les arbres
mon cœur bas violemment
et n'arrive plus à se calmer

auteur anonyme

13 octobre 2009

waka de l'époque Héian (2)

今はとて
わが身時雨に
ふりぬれば
ことの葉さへに
うつろひにけり

ima ha tote
waga mi shigure ni
furinureba
koto no ha sahe ni
utsurohinikeri

à  présent c'est fini
la pluie d'automne
tombe sur moi
et même vos paroles
n'y changeront rien

Ono no Komachi (809-900)

12 octobre 2009

waka de l'époque Héian (1)

かきくらす
心の闇に
まどひにき
夢うつつとは
世人さだめよ

kakikurasu
kokoro no yami ni
madohiniki
yume utsutsu to ha
yohito sadameyo

dans les ténèbres
de mon cœur assombri
je me suis perdu.
rêve ou réalité,
aux gens de ce monde de décider

Ariwara no narihira (825-880)

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