Bon inquiet mort, de Claude Bugeon
Bon inquiet mort
Un homme montait la Grand'Rue
Poursuivi par des chiens et des enfants
Un homme maigre et bossu
Qui tirait les cloches des messes
Un homme lâché par l'esprit
Ce bel esprit qui ment
Un homme pur
Quand la mort hantait la grève
On se demande pourquoi
Ils lui jetèrent des seaux d'eau
C'était un homme différent un miroir
Que poussaient les enfants du haut de la falaise
Autant de frères que de jeunes garçons
Dont il aimait toucher les têtes vigoureuses
Et nul n'était plus beau que sa faiblesse
Épanouie en sourires transparents
En paisibles regards noirs
En gestes doux et pensées abruptes
Un homme montait la Grand'Rue
Petit fantôme jusqu'à la pâtisserie
Serrant ses sous pour des sucres tendres
Et des chocolats fins
Un vieil homme qui fut bébé
Un homme lâché du haut de la falaise
Corps insignifiant dans les algues
Choses muettes et plein seau de prières
Un homme un enfant un rien
Vite oublié dessous la terre
Un homme bon inquiet mort.
Les chants verticaux, de Claude Burgeon (Le dé bleu, 2000).