jour des enfants
jour des enfants
la femme aux oiseaux
quitte le jardin
sa jupe cadence
la foulée du temps volé
volants au vent
~
elle court
vers son propre effacement
fond du tunnel
~
sa bonne humeur
comme un vieux chiffon
prend le large
Regards de femmes
dirigée par Jannick Belleau
coédition Adage (Montréal)
Association française de haïku (Lyon, France)
ISBN 978-2-921956-30-7
Ce recueil de haïkus, regard au féminin, aborde les thèmes de l’amitié, de la famille, des passages de la vie, de la société et de la planète. Les auteures de tous horizons : France, Québec, Colombie-Britannique, Manitoba et Nouveau-Brunswick, Belgique, Algérie, île de la Réunion, Tunisie, Chine, Inde ou États-Unis d’Amérique. Çà et là, des illustrations et des photographies évocatrices, sinon inspiratrices des poèmes.
L'amitié... toujours
elle arrive chez moi
à dos de carte postale
l'amie voyageuse
[Lucienne Piché, Québec]
La famille... les générations
tonnerre dans la nuit -
sur mon visage exsangue
sa petite main
[Amel Hamdi Smaoui, Tunisie]
à l'hôpital
je peigne ses cheveux blancs -
maman si emmêlée
[Maxianne Berger, Québec]
Les passages de la vie... les âges
le sable
entre ses doigts tout petits
fuit fuit fuit...
[Dominique Champollion, France]
moi à vélo
elle en déambulateur
entre nous le temps
[Hélène Bouchard, Québec]
La société... sans fard
métro corps à corps
bref instant de connivence
- changer de rame ?
[Anick Baulard, France]
rue de Montréal
deux Inuits couchés
dans la neige
[Carole Melançon, Québec]
station-service
une vieille barque fleurie
- panne sèche
[Chantal Couliou, France]
La planète... son avenir
allume les bougies
laisse reposer la planète
quelques minutes
[Cathy Raynal, France]
jour de la Terre
l'enfant donne un câlin
au globe terrestre
[Jessica Tremblay, Québec]
me lavant les dents
je pense à couper l'eau - las !
le robinet fuit
[Catherine Belkhodja, France]
Thème libre... au gré du temps
le long de mon bras
une chenille grimpe
son Himalaya
[Huguette Ducharme, Québec]
mes doigts dans l'eau
le temps passe
et la rivière
[Louve Mathieu, Québec]
écran portable
un flocon de neige fond
message brouillé
[nekojita, France]
etc. etc. etc. et beaucoup d'autres encore. Un beau livre ! Après les haïjins japonaises de D. Chipot, voici les haïjins francophones. Une très belle sélection et un beau travail de mise en page de Jannick Belleau.
Une présentation de cet ouvrage sera faite à Paris, par Jean Antonini, président de l'AFH,
samedi 24 janvier à 19h30.
Lucarne des écrivains
115, rue de l'Ourcq - 75019 Paris
tél. 01 40 05 91 29
fax. 01 40 05 91 51
Sugita Hisajo :
燈に縫うて子に教ゆる字秋の雨
hi ni nûte / ko ni oshiyuru ji / aki no ame
cousant sous la lampe
j'apprends l'alphabet à mon enfant
pluie d'automne
~
Takajo Mitsuhashi :
落葉 落葉落葉 臥所の中にも降る
ochiba ochiba ochiba fushido no naka ni mo furu
feuilles mortes
feuilles mortes, feuilles mortes
aussi dans mon lit
~
Teijo Nakamura :
曼珠沙華抱くほど取れど母恋し
manjushage* dakuhodo toredo haha koishi
ma mère me manque
je cueille des fleurs d'équinoxe
à pleines brassées
~
Masajo Suzuki :
女の秋髪染めあげてうらがなし
onna no aki kami some-agete uraganashi
L'automne des femmes...
je suis mélancolique
d'avoir teint mes cheveux
~
Ayako HOSOMI :
でで虫が桑で吹かるる秋の風
dedemushi ga / kuwa de fukaruru / aki no kaze
le vent d'automne
souffle un escargot
sur la feuille de mûrier
~
Mariko KOGA :
よろめきて振り向けばただ秋の風
yoromekite / furimukeba tada / aki no kaze
je me retourne
après avoir chancelé
rien que le vent d'automne !
~
Miyoko HASHIMOTO :
曼珠沙華蕊の先まで蟻ゆかしむ
manjushage* shibe no saki made ari yukashimu
Je laisse une fourmi
aller au bout
d'un pétale d'équinoxe
~
Hitomi OKAMOTO :
喪主という妻の終の座秋袷
moshu to iu tsuma no tsui no za aki-awase
Porter le deuil
est mon dernier devoir d'épouse -
kimono d'automne
~
Tsubaki HOSHINO :
コスモスに郵便箱のかくれたる
kosumosu** ni yûbin-bako no kakure taru
la boîte aux lettres
se cache
derrière des cosmos
~
Kazue ASAKURA :
髪黒きままの死願う曼珠沙華
kami kuroki mama no shi negau manjushage*
je souhaite mourir
avec mes cheveux noirs
fleurs d'équinoxe
~
Amari OKI :
蝉の眼をはこんでいたる秋の蟻
semi no me o hakonde itaru aki no ari
des fourmis portent
dans l'automne
des yeux de cigale
~
Yuko MASAKI :
キーワイを切れば翡翠の宇宙なる
kiwi o kireba hisui no uchû** naru
le kiwi coupé :
un cosmos
couleur jade !
~
Madoka MAYUZUMI :
紅引くや萩の乱れを鏡中に
beni hiku ya hagi** no midare o kyôchû ni
je mets du rouge à lèvres
dans la glace se balancent
les fleurs de cosmos
Kigo : mot de saison
* manjushage = nom littéraire (Cluster amaryllis), la fleur aux 600 noms ou
higanbana : fleur d'équinoxe (彼岸花), est la fleur des Japonais et des poètes. Fidèlement, à l'équinoxe d'automne, jaillissent de terre, sur de hautes hampes, ses fleurs de flammèches rouges. Sa floraison en masse, le long des fossés d'irrigation, strie les paysages des rizières de zébrures sanglantes. La magie de la fleur et celle des traditions font le succès de bien des haïkus et des estampes.
Higan : fête bouddhiste de 7 jours ayant lieu à chaque équinoxe, consacrée à la mémoire des morts et à l'entretien des tombes. La fleur apparaît pendant l'higan d'automne, d'où ce nom et quelques autres :
shibito bana : fleur des morts
tengai bana : fleur de l'au-delà
yûri bana : fleur des fantômes
sugeto bana : fleur orpheline
Cf. message antérieur (2007) sur chichin
** kosumosu, uchû = cosmos, fleur d'automne. Hagi (lespédèze) traduit cosmos.
aki = automne
ochiba = feuilles mortes
Née dans un quartier populaire de Tôkyô, Aya est membre de la revue Wakaba (jeune feuille) et a publié quatre recueils de haïkus. Son ressenti d'ouvrière :
je coltine un sac de charbon
avec des cordes
la poitrine comprimée
sumidawara katsugu chibusa o bakusarete
炭俵かつぐ乳房を縛されて
*
légèrement augmentée
je rentre chez moi
avec quelques fraises
ichigo kai modoru choppiri shôkyû su
苺買い戻るちょっぴり昇給す
*
mon père ne doit mourir
il faut
qu'il scie des blocs de charbon
sumi o hiku chi yori nogare enu chichi yo
炭を挽く地より逃れ得ぬ父よ
*
naissance au fond d'une ruelle
enfance au fond d'une ruelle...
Coiffure de fête
roji ni are roji ni sodachishi matsuri-gami
路地に生れ路地に育ちし祭髪
*
ma belle-mère est morte
ses grands pieds
dépassent de la couverture
ôki ashi futon hamidashi haha yukeri
大き足布団はみ出し継母逝けり
*
ce bouquet de chrysanthèmes sauvages
plein d'attentions pour mes parents
partis dans l'autre monde
nogiku tsumi raise wa fubo ni amaetaki
野菊摘み来世は父母に甘えたき
Maladie, mort, guerre sont les thèmes abordés par Kyôko Kerada. Née à Sapporo, tuberculeuse à dix-sept ans, elle a commencé à écrire en 1944 et a publié quatre recueils de haïkus.
セルを着て遺書は一行にて足りる
seru o kite isho wa ichigyô nite tariru
je porte un kimono de serge
une ligne suffira
sur mon testament
*
友の死がとどく銭湯真裸に
tomo no shi ga todoku sentô mahadaka ni
on m'annonce la mort
de mon amie - je suis nue
dans les bains publics
*
水打つや生きる父より亡母恋し
mizu utsu ya ikiru chichi yori bôbo koishi
l'arrosage...
Je veux revoir ma mère morte
plutôt que mon père vivant
*
et un sujet très féminin.
末枯れやねむりの中に生理くる
uragare ya nemuri no naka ni seiri kuru
plaine dénudée...
Mes règles viennent
pendant mon sommeil
Extraits de Du rouge aux lèvres (La Table ronde, 2008).
Je vous laisse savourer ces trois fruits juteux à merveille : à la sensualité de l'une, aux envies de meurtre de l'autre, à la douceur de la troisième.
de Toshiko Tonomura (1908-2000)
白桃に唇濡れしまま笑ふ
hakutô ni kuchibiru nureshi mama warau
les lèvres mouillées
du jus de pêche blanche
je ris
de Masajo Suzuki (1906-2003)
白桃に人刺すごよく刃を入れて
hakutô ni hito sasu gotoku ha o irete
la lame pénètre
la pêche blanche
comme pour poignarder
de Takako Hashimoto (1899-1963)
白桃に入れし刃先の種を割る
hakutô ni ireshi hasaki no tane o waru
coupant la pêche blanche
la pointe du couteau
casse le noyau
Du rouge aux lèvres, traduction de Makoto Kemmoku et Dominique Chipot (La table ronde 2008)
A l’occasion de la Journée internationale de la femme 国際女性デー (kokusai josei de-), le Japon a organisé une soirée à l’UNESCO sur le thème : 雅MIYABI - splendeur et sérénité.
Au programme :
- Cérémonie de l’habillage : Jûni-hitoe 十二単 (12 couches)
- Témoignage du maître du Théâtre Nô, Noriko Tomiyama.
Le Jûni-hitoe est le costume des Dames de la Cour impériale au xie siècle, époque Héian, toujours en usage dans la Maison impériale, porté à l’occasion des cérémonies de la cour à très haut protocole. Il est composé d’une superposition de kimonos dont les étoffes, les couleurs et les motifs rivalisent de somptuosité et de délicatesse par le jeu des matières, des tissages et des incrustations et broderies. Le style du Jûni-hitoe est resté inchangé depuis mille ans.
Deux assesseurs, dont Reiko Shoji, présidente de l’école Takakura de Emondo, pour habiller le sujet impassible, car il existe une école pour apprendre à habiller les autres. Au Japon tout est érigé en art.
Les kimonos, tous plus colorés les uns que les autres, s’ajoutent en couches successives (traditionnellement 12, mais je n'ai pas compté) sur la mannequin vivante (l’est-elle ?). Les deux femmes qui s’occupent d’elle, nouent les cordons de la ceinture et arrangent les plis pour former une suite harmonieuse de couleurs. Une belle cérémonie, pleine d’élégance, mais qui magnifie la femme-objet, femme désincarnée.
Théâtre Nô. En revanche, pour la journée de la femme, c’est lui rendre hommage que de l’accepter dans le théâtre traditionnel Nô, réservé aux hommes. Car chacun sait que les rôles féminins étaient tenus par des hommes (女形onnagata). Le témoignage de Noriko Tomiyama, 80 ans, montre les efforts intenses qu’il a fallu pour faire connaître le monde féminin. Ce fut une surprise pour moi de voir que les choses évoluent au Japon dans ce domaine, ce qui n’a pas du être sans mal. De plus, insigne suprême, elle a été classée « Trésor National Spirituel » depuis 2004. A la différence des hommes, Noriko joue à visage découvert, ce qui est une innovation. Le masque est l’apanage des hommes.
Représentée par son élève, un bout de Hagoromo (羽衣 habit en ailes d’ange), la pièce la plus connue au Japon. De circonstance après l’habillage que certains auraient voulu un déshabillage.
Soirée intéressante !