la vieille dame
la vieille dame
belle comme un paon
dans sa robe
l’aquarelliste
se met un coup de rouge
avant de peindre
~
une mésange
fait tutut sur l’érable
pinceau à l'œuvre
~
un papillon blanc
traverse la verte scène
la chaise s'ébranle
la maman s’interpose
entre sa fille et le soleil
protection rapprochée
水滴ひとつふたつがひとつになり
mizu shizuku hitotsu futatsu ga hitotsu ni nari
ah gouttes d'eau
une et deux s'unissent
...
芋の皮剥いて万有に趣く
imo no kawa muite banyû ni omomuku
je pèle des patates
je touche
mille choses
...
無為無策月に誘われ月を見る
mui museku tsuki ni sasoware tsuki o miru
ne rien faire
appelée par la lune
je la regarde
...
碓かなる梨の重さや小雨降る
tashikanaru nashi no omosa ya kosame furu*
la certitude du poids d'une poire
une averse légère
...
言葉より林檎香るや夜の部屋
kotoba yori ringo kaoru ya yoru no heya*
chambre nocturne
l'odeur de pommes
vient des mots
...
冬一番日中当てなく捜し物
fuyu ichiban nicchu atenaku sagashi mono
première rafale d'hiver
journée sans but
je cherche quelque chose
* à remarquer en japonais, les assonances et allitérations.
Garden, de Yuko Otomo (traduit de l'anglais par Nicole Peyrafitte)
L'hiver dans la rade
les voiliers disparaissent
morte saison.
...
Dans la rue déserte
le staccato des talons
nuit d'infortune.
...
Le vent suspendu
aux arbres écartelés
gréement de fortune.
...
D'une frêle souris
le chat ne fit qu'une bouchée
le crime parfait.
...
Sous l'abribus
des bouteilles à ses pieds
la vie d'un homme.
À fleur de silence, de Chantal Couliou, illustré par Nelly Buret (Soc & Foc 2007).
雪烈抱かれて息のつまりしこと
yuki hageshi dakarete iki no tsumarishi koto
tourmente de neige
jadis je suffoquais dans ses bras
Commentaire de Ôoka Makoto :
« Takako s'initia au haïku auprès de Sugita Hisajo, puis devint l'élève de Yamaguchi Seishi. Elle saisit toujours avec une rare justesse les élans et les oscillations de la sensibilité féminine. La rigueur avec laquelle elle pénètre la réalité en s'en tenant strictement aux faits, la richesse de ses moyens d'expression, en font sans doute une des meilleures femmes poètes de l'époque moderne. Elle n'avait pas encore quarante ans que son mari la précédait dans la mort. Aussi consacra-t-elle de nombreux vers à sa mémoire, dont certains, comme celui que nous présentons ici, sont de purs chefs-d'œuvre. En contemplant la neige qui ne cesse de tomber à gros flocons, lui revient, comme ressuscité par la nature, le souvenir d'un instant où son mari l'avait étreinte, si fort qu'elle avait cru s'évanouir. »
Poèmes de tous les jours (Picquier poche 1995).
hors les grilles
un raid d'hommes verts
pelle à la main
~
berceau de neige
les jambes de l'effort
immobilisées
~
tombe la neige
les joueurs du jardin
mis en échec
~
que c'est beau !
Quelques échanges neigeux
entre les platanes
~
volée de corbeaux
leurs croassements rauques
dissipent la neige
~
une femme
allée des paulownias
sous les flocons
~
la balance
étalonnée
son poids de neige
~
accès fermé
le photographe
réprimandé
~
autour du cou
le collier de glace
du chrysanthème
~
le chant
du poète
transi
une femme
nourrit les oiseaux
haie d'if
... que c'est vilain
je hais l'if et tous les zifs
qui n'ont qu'une syllabe
et ne sonnent pas français
heureusement
les oiseaux eux
chantent patriotique
© nekojita