Embouteillage
embouteillage -
les têtards sur la vitre
ne courent plus
貸し傘の
花びら付けて
戻りけり
kashi kasa no / hana biratsukete / modori keri
le parapluie que j'ai prêté
m'est rendu avec
des pétales de fleur
春の水
岩を抱いて
流れけり
haru no mizu / iwa o idaite / nagare keri
eau de printemps
la roche étreint
jamais ne s'empare
霜とけの
囁きを聞く
さつお哉
shimo toke no / sasayaki o kiku /satsuo kana
aux murmures
du givre qui fond
le chasseur tend l'oreille
宿の春
何もなきこそ
何もあれ
yado no haru / nani mo naki koso / nani mo are
Printemps au foyer
il n’y a rien et pourtant
il y a bien tout
Chôfu VIII
À une dame de ma connaissance
Bôfujin ni teisu
On peut bien haïr l'être qui l'a écrit
la lecture d'un bon poème réjouit toujours le cœur.
C'est vraiment là, nulle part ailleurs
que réside le mystère de la poésie.
Mystère sans importance en fait
mais indéniable quoi qu'on en dise.
CITÉS DES EAUX (SUIFU, 1981) 水府
Une visite aux serres d'Auteuil, promenade parmi les acanthes, arbustes à fleurs d'origine sud-américaine. Des couleurs, des formes, des odeurs : un voyage énivrant à la rencontre d'une nature riche.
?
Pachystachys lutea : ne dirait-on pas une belle coupe de glace avec de la chantilly ?
Ruellia elegans ou ruellia chartacea
et beaucoup d'autres encore... Une régalade.
L'écriture et la vie
文と人生
Bun to jinsei
Pour bien écrire il faut
des virgules
des points
des parenthèses
des guillemets
qu'on notera soigneusement sans se tromper
Voilà ce qu'on m'a appris quand j'étais petit
Or quand on y songe la vie elle-même est faite
de virgules
de points
de points de suspension
de souvenirs qu'on emballe dans des parenthèses pour les jeter à la poubelle
et d'années qu'on voudrait flanquer de la mention « à supprimer »
et de jours qui se changeant
d'eux-mêmes en virgules
passent leur vie recroquevillés
Dans ma jeunesse
J'ai appris d'un poète d'Europe**
cette phrase qui s'est gravée dans mon esprit
« Vieillir c'est organiser
Sa jeunesse au cours des ans »
Or ce cher poète français lui aussi
fut bien forcé de ponctuer
sa propre vie à l'aide de points et de virgules
Goutte de pluie = !
Goutte au nez = ?
Guillemets = « »
Toute sa vie il vécut
en les tenant à pleines brassées
Tel était le sens de sa poésie
Mais les deux vers que je viens d'évoquer
aussi tranchants et droits qu'une feuille d'acore
m'ont percé le crâne de part en part
sans ponctuation aucune
Point de suspension au chef craintivement baissé
Virgule assise en tailleur d'un air convaincu
Chacune de ces expressions m'accompagne
d'aujourd'hui à demain
d'aujourd'hui à hier
dans l'incessant va-et-vient qui compose ma vie
Et parfois je me fais cette injonction
« Prends soin d'organiser ta jeunesse
Cours d'une traite vers la disparition
à travers la multitude des heures et des jours et des ans
Et puis surtout
ne cherche jamais au grand jamais
à recouvrer ta jeunesse ! »
OOKA Makoto*, né en 1931, est l'un des poètes les plus féconds et les plus admirés au Japon. Il se distancie de la poésie japonaise classique (tanka et haïku) pour écrire en vers libres. Ce poème tiré du recueil " Qu'est-ce que la poésie ? " (shi to wa nanika, 1985) figure dans l'ouvrage Citadelle de Lumière, Anthologie personnelles de poèmes 1956-1997, traduit du japonais par Dominique Palmé, aux éditions Philippe Picquier, 2002)
* makoto en japonais signifie vérité.
** La citation est de Paul Eluard.