Buson (Le parfum de la lune)
夕風や
水青鷺の
脛をうつ
yûkaze ya / mizu aosagi no / sune o utsu
dans la brise du soir
sur les pattes du héron bleu
le clapotis de l'eau
夕風や
水青鷺の
脛をうつ
yûkaze ya / mizu aosagi no / sune o utsu
dans la brise du soir
sur les pattes du héron bleu
le clapotis de l'eau
La question est de savoir si le poète (haïjin) exprime ses sentiments explicitement dans un haïku. J'ai relevé quelques exemples où le mot cœur (kokoro en japonais) apparaît. Chez Bashô, c'est très rare et moins rare chez Santoka.
Arô (1879-1951)
漕ぎ出て 遠き心や 虫の声
kogidatete / tooki kokoro ya / mushi no koe
partant en barque
un cœur qui s'éloigne
le chant des insectes
Awano (1899-1992)
髪洗う すなわち 心洗いたく
kami arau / sunawachi kokoro / araitaku
Je me lave les cheveux
c'est-à-dire
que je me lave l'âme
春惜しむ 心比すれば 老にけり
haru oshimu / kokoro hisureba / oini keri
En secret
le printemps me manque
je vieillis
Bashô (1644-1694)
住つかぬ 旅のこ々ろや 置炬燵
sumitsukanu / tabi no kokoro ya / okigotatsu
fixé nulle part
et mon cœur errant aussi —
kotatsu mobile !
義朝の 心に似たり 秋の風
yoshitomo no / kokoro ni nitari / aki no kaze
au cœur de Yoshitomo
semblable
le vent d'automne
野ざらしを 心に風の しむ身哉
nozarashi o / kokoro ni kaze no / shimu mikana
résigné à mourir de froid
comment le vent
me traverse !
Buson (1716-1783)
裾に置きて 心に遠き 火桶かな
suso ni okite / kokoro ni tôki / hioke kana
Au bas de ma robe
Et pourtant loin de mon cœur
Ah ! le brasero
冬籠 心の奥の よしの山
fuyugomori / kokoro no ôku no / yoshino yama
retiré l’hiver
mais le cœur plein
du mont Yoshino
我園の まくおも盗 こころ哉
agaen no / maku omo nusumu / kokoro kana
dans mon jardin
cueillant un melon
j'ai l'impression de le voler
春や 重たき琵琶の 抱心
yukuharu ya / omotaki biwa no / dakigokoro
départ du printemps -
lourd le biwa
pour ce cœur qui le serre
裾に置て 心に遠き 火桶かな
susoni oite / kokoroni tooki / hioke kana
près des pieds
loin du coeur
le brasero
Chiyo-ni (1703-1775)
かけたらぬ 女心や 土用干
kaketaranu / onnagokoro ya / doyôboshi
jamais éteint
mon cœur de femme
j’aère mes vêtements
Hisajo (1890-1946)
春の陽に 心踊りて 襟掛けぬ
haru no hi ni / kokoro odorite / eri kakenu
lumière de printemps -
mon cœur danse en choisissant
le col de mon kimono
貧しき群れに 落ちし心や 百合にはず
mazushiki mureni / ochishi kokoro ya / yurini hazu
dans l’horrible foule
mon cœur s’est brisé
à la vue des lys innocents
Issa (1763-1827)
何もないが 心安なよ 涼しさよ
nanimo nai ga / kokoro yasunayo / suzushisa yo
Ne possédant rien
comme mon cœur est léger
comme l’air est frais
Mizuhara (1892-1981)
鰯雲 心の波の すえ消えて
iwashi-gumo / kokoro no nami no / sue kiete
Passe un banc de nuages
la houle de mon cœur
va expirant
青春の 過ぎにし心 苺食う
seishun no / suginishi kokoro / ichigo kuu
Printemps de ma vie
dépassé
je croque une fraise
Santoka (1882-1940)
心むなしく あらなみの よせてはかえし
kokoro munashiku aranamino yosetewa kaeshi
Le cœur vide
les vagues furieuses
m’assaillent, se retirent
蜻蛉去れば 蜂が来る事務 静心
tonbo sareba / hachi ga kuru jimu / shizugokoro
Une libellule part,
une abeille arrive à mon bureau
le cœur serein
こころおちつけば 水の音
kokoro ochitsukeba / mizu no oto
Mon cœur s’est calmé le bruit de l’eau
心疲れて 山が海が 美しあぎる
kokoro tsukarete yamaga umiga utsukushi agiru
Le cœur las
montagnes et mers
magnifiques
Shiki (1867-1902)
暑乱くるし 乱れ心や 雷をきく
atsukurushi / madare kokoro ya / rai o kiku
la chaleur est suffocante
le cœur agité
j'écoute le tonnerre
野分の夜 文読む心 定らず
nowaki no yo / fumiyomu kokoro / sadarazu
tempête d'automne
la nuit je lis un livre
le cœur agité
Au Japon, les traits du kakashi sont représentés par le henohenomoheji, soit sept hiragana (he, no, he, no, mo, he, ji), que les écoliers dessinent sur la tête de l'épouvantail. L'équivalent de la tête à toto chez nous.
Les sourcils : he + he (へ)
Les yeux : no + no (の)
Le nez : mo (も)
La bouche : he (へ), d'où un visage peu souriant, triste, sombre, parfois peu sympathique.
Le contour : ji (じ)
L'oreille gauche est représentée par le dakuten ou diacritique du ji en forme de deux petits traits.
Le henohenomoheji est actuellement utilisé dans les mangas ou la culture pop et les dessins animés, etc.
Les poètes l'ont célébré maintes et maintes fois. Dans un ouvrage (L'épouvantail autoportrait, Moundarren 1999) qui lui est consacré, figurent les plus illustres. On lui prête une dimension humaine, alter ego du pauvre haïjin et on le plaint souvent.
BASHÔ (1644-1694)
かりてねむ案山子の神や夜半の霜
karite nemu / kakashi no kami ya / yowa no shimo
j’emprunterais bien pour dormir
sa veste à l’épouvantail
givre nocturne
BONCHÔ ((?-1714))
物の音一人たおるる案山子かな
mono no oto / hitori taoruru / kakashi kana
drôle de bruit
l'épouvantail
dégringole tout seul
BUSON (1716-1783)
傘とれて面目もなき案山子かな
kasa torete / menmoku mo naki / kakashi kana
il a perdu son chapeau
l’épouvantail
il a perdu la face
CHOI
秋風の 骨まで渡る案山子かな
akikaze no / hone made wataru / kakashi kana
le vent d'automne
le traverse jusqu’à l’os
l’épouvantail
HOKUCHI (1665-1718)
立ちながら往生申す案山子かな
tachi nagara / oujô mosu / kakashi kana
encore debout
résigné à mourir
ah ! L’épouvantail
ISSA (1763-1827)
身の老や案山子の前も耻しき
mi no oi ya / kakashi no mae mo / hazukashiki
de mon vieux corps
même devant l’épouvantail
j’ai honte
我よりは若し案山子の影法師
ware yori ha / wakashi kakashi no / kagebôshi
plus jeune que moi
la silhouette
de l’épouvantail
jÔsÔ (1661-1704)
据風呂の下や案山子の身の終り
suefuro no / shitaya kakashi no / mi no owari
à chauffer la baignoire
se termine la vie
de l’épouvantail
KIKAKU (1661-1707)
冬来ては案山子にとまる烏かな
fuyu kite wa / kakashi ni tomaru / karasu kana
l’hiver arrive
sur l’épouvantail se perche
un corbeau
NYOFU
拵へし時から古き案山子かな
koshiraeshi / tokikara furuki / kakashi kana
à peine terminé
il est déjà vieux
l’épouvantail
OTSUYU (1675-1739)
秋ふけて木の葉衣の案山子かな
aki fukete / ki no ha koromo no / kakashi kana
au profond de l’automne
habillé de feuilles mortes
l’épouvantail
SAZANAMI
案山子から案山子へ渡る雀哉
kakashi kara / kakashi e wataru / suzume kana
d’épouvantail
en épouvantail volent
les moineaux
SEIBI (1748-1826)
雨降れば人によく似る案山子かな
ame fureba / hito ni yoku niru / kakashi kana
quand il pleut
il ressemble à un humain
l’épouvantail
SHIKI (1867-1902)
大水を踏みてたへたる案山子かな
ômizu o / fumiteta hetaru / kakashi kana
dans le champ inondé
il souffre mais tient bon
l'épouvantail
人に似て月夜の案山子あわれなり
hito ni nite / tsukiyo no kakashi / aware nari
semblable à un homme
l’épouvantail les nuits de lune
est bien misérable
SHÔHA (1727-1771)
夕日影道まで出づる案山子かな
yûhikage / michimade dezuru / kakashi kana
au soleil couchant
son ombre atteint la route
ah ! l’épouvantail
SHOSHU
薪ともならで朽ぬる案山子
takigi tomo / narade kuchinuru / kakashi
même pas bon à brûler
il est tout pourri
l’épouvantail
TAIGI (1709-1771)
吹倒す起す吹かるる案山子成
fukitaosu / okosu fukaruru / kakashi kana
renversé, redressé
renversé à nouveau
ah ! l’épouvantail
YAGU
足下の豆盗まるる案山子かな
ashimoto no / mame nusumaruru / kakashi kana
à ses pieds
on vole les haricots
ah ! l’épouvantail
斧いれて
香に驚くや
冬木立
ono irete / ka ni odoroku ya / fuyukodachi
un coup de hache
l'odeur surprend
arbres d'hiver