KANSEI - exposition de design japonais
感性 KANSEI, sensibilité, désigne la quintessence de l'esprit japonais.
Cette notion, née à l'époque du Dit de Genji (1008) à l'époque Héian, est l'une des variables de l'art de la fabrication (monozukuri) qui s'ajoute à la fonctionnalité, à la fiabilité et au coût. Le kansei fait appel à la sensibilité de l'être. C'est en suscitant émotion et empathie que l'objet révèle son kansei incarné dans son design (valeur très subjective).
À travers cette exposition de design japonais, nous découvrons les différents concepts de création et surtout la sensibilité culturelle de ce peuple. Le kansei, valeur spirituelle autant que physique, fait appel aux cinq sens et s'incarne de manière bien visible à la surface d'un objet, matérialisé par la couleur, la forme ou la texture.
Les 120 objets du kansei actuel exposés sont classifiés en trois catégories. Les wakotoba (和言葉 mots japonais) porteurs de kansei.
1. Wakotoba de l'expression : 表情 hyôjô, kansei qui habite l'expression des objets
Les valeurs kansei qui résident dans "l'expression" des objets sont les plus faciles à appréhender.
Les artisans et les designers possèdent une connaissance approfondie des matières et maîtrisent les techniques de traitement des surfaces à un point tel que le kansei se révèle à la surface de l'objet, ou dans la présence que l'objet dégage. En créant, ils tirent parti des spécificités de la matière ou de la couleur que leur a légué la nature. Ils sont constamment à la recherche d'espaces et d'outils en harmonie avec l'environnement japonais.
Les Japonais ont intégré dans leur vie la présence, à première vue évanescente, dégagée par les objets. Ils ont créé une culture de la vie quotidienne aux couleurs éclatantes, qu'ils cherchent à préserver à tout prix.
kagerou : passer de l'ombre à la lumière
nishiki : le brocard 錦
tatazumai : l'allure 佇まい (l'aspect)
kime : le grain 木目 (littéralement l'oeil de l'arbre, la loupe)
2. Wakotoba du geste : 動作 dôsa, kansei qui habite le geste du créateur ou de l'utilisateur de l'objet
Les valeurs kansei qui habitent le "geste" sont celles que le corps ressent pour la première fois au moment de la fabrication ou de l'utilisation d'un objet.
Il arrive parfois que, grâce à des techniques de fabrication minutieuses, la force d'une matière, ou au contraire sa faiblesse, dicte à l'utilisateur le geste qu'il fait. D'autres fois, le geste précis de l'utilisateur met en évidence tous le sens que celui qui l'a fabriqué a voulu donner à la matière et à la forme qu'il a choisies.
Cette valeur kansei se ressent à travers la peau, les muscles ou les os. A ce stade, il n'est pas rare que l'utilisateur commence à ressentir de l'émotion.
shitsuraeru : aménager l'espace 設える
shinaru : fléchir
habuku : éliminer le superflu 省く
oru : plier 折る
3. Wakotoba de cœur : 心 kokoro, kansei qui habite le cœur des hommes
Les valeurs kansei qui habitent le "cœur" de l'utilisateur sont celles que le créateur de l'objet considère comme l'objectif ultime.
Ayant minutieusement étudié la matière de l'objet ou bien sa forme, dans toute sa signification ou dans ses fonctions, le créateur s'efforce de susciter chez l'utilisateur un sentiment de reconnaissance, d'attachement, de fête, de libération ou de fraîcheur. L'une des caractéristiques des objets japonais est certainement de proposer un design qui supprime toute complexité inutile et va droit au cœur des utilisateurs.
Nous vivons à une époque où le design est désormais perçu dans toute sa dimension psychologique, au-delà de l'art des formes ou des couleurs. Cette catégorie de valeurs kansei est sans doute celle qui mérite le plus d'être reconnue. C'est celle que je préfère.
mottai : la valeur essentielle
motenashi : l'accueil 持て成し (l'hospitalité)
karoyaka : léger 軽やか
musubi : le nœud 結び (deux brins liés ensemble)
Musubi : le nœud, dont l'appellation est encore en référence avec la nature.
De gauche à droite, le nœud papillon (kochô-musubi) qui n'a rien à voir avec notre cravate, le nœud prunier (ume-musubi), le nœud bambou (take-musubi), le nœud bonzai pin (bonzaimatsu-musubi), le nœud aiguille de pin (harimatsu-musubi).
Les amulettes (omamori) que l'on trouve dans les temples, sont aussi des objets noués.
Le toypography fait également partie des nœuds. Il s'agit d'un jeu où les blocs forment des mots ou des kanji (idéogrammes) et le dessin qu'il signifie.
Karoyaka : la légèreté, dont la transparence des éventails, le papier parfumé (kamikou), l'imprimante portable assez étonnante (Les Japonais sont des spécialistes du miniaturisme)...
kagerou : passer de l'ombre à la lumière.
La lampe susuki en est un exemple. Le susuki, herbe de la pampa, est l'une des sept herbes d'automne (kigo).
shinaru : fléchir. Exemple cet abat-jour repliable comme un parapluie japonais.
etc.
Une magnifique exposition au musée des Arts décoratifs à Paris, de plus c'est gratuit, jusqu'au 21 décembre. Un vrai régal pour appréhender la culture japonaise par l'objet, quand en plus on aime le design.