Alerte !
Alerte ! il ne l'est plus. J'ignore de quelle couleur est la nuit, mais son visage est blême. Le rythme syncopé des claques lui redonne couleur. Sa vie entre mes mains. Le lendemain, le soleil se lève comme à son habitude :
son corps se vide
le cœur fané des jonquilles
et des tulipes
Promenade à Bagatelle
entrée libre
les pelouses chargées
du dimanche
~
le cerf-volant
tentaculaire
ciel à l'essai
branche de platane
le ciel mousseline
file entre les doigts
~
une pause
la pivoine géante
éclose
~
les arceaux
blanc et mauve
des glycines
~
le cognassier
de minuscules blancs
dans la foule
~
entêtant
le passage du lilas
fermeture-éclair
~
la roseraie
tout en bouton
pommes de pin
~
la roue du paon
s'écarte du sentier
dépassement
~
arbre câblé
ses branches captent
les messages
~
devant la buvette
les casquettes cachent
des yeux tristes
~
les tulipes prises
pour des coquelicots
soleil debout
~
dans l'étang
sieste de la bernache
sur une patte
Luxembourg presque parfait
22°C, la température idéale pour aller déjeuner au jardin du Luxembourg. Installée à l'ombre du parrotia, un magnifique poste d'observation pour regarder le massif de tulipes rose foncé et rose pâle entourant le poète Verlaine. Deux fillettes en tresse, l'une rose, l'autre bleue, courent sur la pelouse parsemée de pâquerettes.
deux petites nattes
joutent avec les branches
de cerisier
Le merle perché sur une branche du parrotia s'élance vers les tulipes, suivi de près par la merlette. Puis il revient et se met à chanter et siffler juste au-dessus de moi, arrêté net dans son élan par l'apparition d'une corneille, l'ombre au tableau.
du parrotia
aux tulipes le merle
et sa merlette
~
première loge
le merle franc-maçon
chante et siffle
~
la corneille
le chant du merle reprend
à son départ
Ma voisine apeurée par un insecte puant que si on l'écrase.
la punaise
sur le vert tendre
inodore
Lorsqu'un enfant-trappeur arrive avec sa carabine et vise les gens du voisinage. – Ça devient dangereux, dis-je, mi-plaisantant mi-sérieuse et je m’en vais. La mère me dit : ce n’est pas dangereux. – Désolée, mais je n’aime pas les armes quelles qu’elles soient.
visée par l’enfant
à la carabine
l’heure du départ
À la sortie du jardin, les travailleurs permanents continuent de s'activer sur les parterres floraux.
les genouillères
du jardinier
sur le gravier
De retour au bureau, fenêtre ouverte, je continue à percevoir les bruits du printemps.
la ballade du pois de senteur
Cela a commencé vendredi après-midi, lorsqu'elle débauche plus tôt avec moi subtilement parfumé et délicatement coloré.
mauve et blanc
les pois de senteur
dans la main
Au bout de la passerelle des arts, le marchand de glace tire la langue aux akènes, les vendeurs d’eau à la sauvette se multiplient, tandis que les pakistanais prennent des leçons sur le climat tempéré.
les marrons chauds
du pakistanais
hors kigo / un mukigo*
Arrivée devant les Pyramides, elle fait une pause et me pose sur un banc au soleil, décidant de ne pas rentrer directement en métro mais de profiter du beau temps à pied sur la voie royale, à mes risques et périls.
pierre chaude
de légères brûlures
sur les pétales
Près du Carrousel, les arbres taillés au cordeau, point de départ de ma balade. Nous passons devant les Maillol à moitié cachés dans le labyrinthe de verdure. Les étrangers nombreux se font photographier avec les moineaux.
voie royale
sous la fontaine les pieds
des voyageurs
Points d’eau, buvettes et marchands de glace font du chiffre, tandis que les voiles colorées du loueur de bateau attendent pour naviguer sur le bassin. La traversée des Tuileries, une traversée du désert. Le chameau ! elle ne boit pas. Malgré cela, la pleine floraison des arbres de Judée et les parterres de tulipes multicolores amènent une touche d’agrément à la promenade.
Caïn
reste aveugle
à Judée
mais,
face aux tulipes
les pois de senteur
de plus en plus pâles
Fatigué ! pourtant elle ne me lâche pas, craignant de m'oublier. Quittant l’allée centrale, elle bifurque vers la terrasse du Jeu de Paume, où le bel costumé de Dubuffet (1973) me fait signe dans son enclos verdoyant. Rêve d’un instant, Venise m'échappe….
Elle me redresse, je peux alors jeter un regard sur la série d'œuvres de Louise Bourgeois : The welcoming hands (1996), et ce minuscule bronze émergeant d'un énorme bloc de pierre me tend la main.
La fatigue de plus en plus présente. Aucune concorde entre nous, vélos et passants empruntent la place pour se rendre sur les champs. Là, la ballade se poursuit sous les marronniers où quelques touristes manifestent leur appartenance à leur pays en chantant ou criant leur joie d’être là.
les vélos
sur la promenade
des espagnols
J’aimerais crier aussi, lorsque la tige se brise. Elle ne sent rien. Mes pétales s’étiolent, mais ses pensées sont tournées ailleurs. Des banderoles dans la lumière invitent le badaud à découvrir une exposition au grand palais.
à l'ombre
des marronniers
le trafic danse
fontaine Wallace
elle distribue son eau
gracieusement
Supplice de tantale, je commence à manquer d’eau, mais elle n’en a cure. Lorsque l’allée arborée disparaît au profit des terrasses de café bondées, je sens que sa flânerie prend fin, elle change d’allure et fuit la foule pour s’engouffrer dans le métro.
mes pois de senteur
détournés du graillon
rentrent sous terre
Arrivé chez elle, je me désaltère enfin à son hospitalité.
ma senteur
se requinque
dans le vase
et nous dînons face to face.
* kigo: mot de saison; mukigo: mot sans saison