Haikus des quatre saisons
Haïkus des quatre saisons
Estampes d'Hokusai
Le Seuil, 2010
Format : 13,0 x 19,0 cm
ISBN 9782021022933
Traduit par Roger Munier
Le haïku, poème constitué d'une brève suite de mots de trois vers, ne ressemble à aucun autre genre poétique. Il s'est épanoui au Japon au XVIIème siècle et nous plonge, au même titre que les autres arts de ce pays, comme la calligraphie ou celui du jardin, dans une expérience spirituelle aussi simple qu'intense. Ces Haïkus des quatre saisons nous entraînent dans une rêverie soutenue par les illustrations d’Hokusaï, l'un des maîtres de l'estampe japonaise, choisies pour accompagner chaque texte et qui favorisent le surgissement des images poétiques.
l'été de Kikaku
隣から此木にくむやせみのこゑ
tonari kara / konoki ni kumu ya / semi no koe
le voisin
déteste l'arbre
où les cigales chantent sans cesse !
~
牛泥む老の歯かみや橋すすみ
ushi doromu / rô no ha kamiya / hashi suzumi
le bœuf fatigué s'arrête.
Le vieillard grince des dents de colère
mais.... Se délecte à la fraîcheur
~
千人か手を欄干や橋すずみ
sennin ka / te o rankan ya / hashi suzumi
mille mains se posent
sur le parapet du pont
on prend le frais.
~
夏蟲の碁にこかれたる命かな
natsu mushi no / go ni kokaretaru / inochi kana
ah ! Ces insectes d'été
comme hypnotisés
par un jeu de go !
~
紫の蛛もありけりかきつはた
murasaki no / kumo mo ari keri / kakitsubata
l'araignée posée
a pris la teinte mauve
des fleurs d'iris
~
紅にうちわのふさの匂かな
kurenai ni / uchiwa no fusa no / nioi kana
le gland rouge
de l'éventail
embaume.
mots de saison :
hashisuzumi 橋すずみ : prendre le frais sur le pont
kakitsubata 杜若 : iris laevigata
uchiwa 団扇 : éventail
natsu mushi 夏蟲 (ancienne graphie, la nouvelle simplifiée 虫) : insectes d'été
semi 蝉 : cigale
Extraits de : Les haikai de Kikakou, traduits par Kuni Matsuo et Steinilber-Oberlin (Editions Grès & Cie 1927).
Joie charmante
早乙女に足あらはるる嬉しさよ
saotome ni / ashi arawaruru / ureshisa yo
joie charmante !
De jeunes planteuses de riz
lavent mes pieds !
le saule
さかさまに鷺の影見る柳かな
sakasama ni / sagi no kage miru / yanagi kana
le saule
contemple à l'envers
l'image du héron
à remarquer les sonorités du texte original sa sa sa, ka ka ka, ma na et sagi/yanagi
pluie de mai
五月雨や傘に付たる小人形
samidare ya / kasa ni tsuketaru/ koningyô
pluie de mai.
Suspendu sous un parapluie,
une petite poupée.
Take no he, KIKAKU
竹の屁を折節聞くや五月闇
take no he o / orifushi kiku ya / satsukiyami
crépitement insolite
des bambous,
temps sombre de mai
Les haikai de Kikakou, traduction de 1927
~
de temps en temps
j'entends le pet du bambou
nuit de mousson
où la traduction est plus littérale...
Hanami - Aller voir les cerisiers en fleur
De Takarai Kikaku 其角 :
花見にと母につれだつめくら児
hanami ni to / haha ni tsuredatsu / mekura-go
pour voir les fleurs
guidé par sa mère, il vient
le petit aveugle
Le problème de la poésie Japonaise, technique et traduction par Georges Bonneau (1938).
Ce haïku magnifique parce que très bien construit, montre les sentiments d'une mère allant voir les cerisiers en fleur avec son enfant aveugle. A remarquer les assonances en ha qui dénote une certaine douceur, celle de la fleur (hana), celle de la mère (haha), que la dureté de la dentale dans tsuredatsu contrebalance. La voyelle a en japonais signifie la clarté, la lumière, combinée avec h, le son devient ouvert et lumineux. Mekura signifie littéralement yeux noirs, qui ne voient pas, donc aveugle. La sonorité ra rend le haïku plus fluide.
Haïkus d'été
月今宵盲突き 当り笑いけり [Buson]
tsuki koyoi mekura tsuki atari warai keri
soirée de pleine lune
un aveugle se heurtant à moi
éclate de rire
*
行水にをのが影追ふ蜻蛉かな [Chiyo-ni]
gyôzui ni o noga kage ou tombo kana
au-dessus du bain
elle pourchasse son ombre
la libellule
*
夏の海水浜ひとり紛失す [Hakusen]
natsu no umi mizuhama hitori funshitsusu
mer d'été
seul à la plage
j'ai perdu quelque chose
*
友の夏帽が新しい海に行こうか [Hosai]
tomo no natsu bô ga atarashi umi ni ikô ka
avec le chapeau d'été
tout neuf d'un ami
si j'allais à la mer ?
*
草いきれにょにんゆたかなる乳房をもてり [Ippekiro]
kusaikire nyonin yutakanaru chibusa o moteri
les herbes fermentent
passe une femme
aux seins superbes
*
遠山が目玉に写る蜻蛉哉 [Issa]
tô yama ga medama ni utsuru tonbo kana
les montagnes lointaines
leur reflet dans les prunelles
de la libellule
*
水陰やむささび達藤の棚 [Kikaku]
mizu kage ya musasabi tôru fuji no tana
reflets dans l'eau
l'écureuil-volant traverse
la tonnelle aux glycines
*
主客閑話蝸牛竹をのぼるなり [Kyoshi]
shukaku kanwa dedemushi take o noborunari
L'hôte et l'invité
s'entretiennent tranquillement -
un escargot sur un bambou