Cela a commencé vendredi après-midi, lorsqu'elle débauche plus tôt avec moi subtilement parfumé et délicatement coloré.
mauve et blanc
les pois de senteur
dans la main
Au bout de la passerelle des arts, le marchand de glace tire la langue aux akènes, les vendeurs d’eau à la sauvette se multiplient, tandis que les pakistanais prennent des leçons sur le climat tempéré.
les marrons chauds
du pakistanais
hors kigo / un mukigo*
Arrivée devant les Pyramides, elle fait une pause et me pose sur un banc au soleil, décidant de ne pas rentrer directement en métro mais de profiter du beau temps à pied sur la voie royale, à mes risques et périls.
pierre chaude
de légères brûlures
sur les pétales
Près du Carrousel, les arbres taillés au cordeau, point de départ de ma balade. Nous passons devant les Maillol à moitié cachés dans le labyrinthe de verdure. Les étrangers nombreux se font photographier avec les moineaux.
voie royale
sous la fontaine les pieds
des voyageurs
Points d’eau, buvettes et marchands de glace font du chiffre, tandis que les voiles colorées du loueur de bateau attendent pour naviguer sur le bassin. La traversée des Tuileries, une traversée du désert. Le chameau ! elle ne boit pas. Malgré cela, la pleine floraison des arbres de Judée et les parterres de tulipes multicolores amènent une touche d’agrément à la promenade.
Caïn
reste aveugle
à Judée
mais,
face aux tulipes
les pois de senteur
de plus en plus pâles
Fatigué ! pourtant elle ne me lâche pas, craignant de m'oublier. Quittant l’allée centrale, elle bifurque vers la terrasse du Jeu de Paume, où le bel costumé de Dubuffet (1973) me fait signe dans son enclos verdoyant. Rêve d’un instant, Venise m'échappe….
Elle me redresse, je peux alors jeter un regard sur la série d'œuvres de Louise Bourgeois : The welcoming hands (1996), et ce minuscule bronze émergeant d'un énorme bloc de pierre me tend la main.
La fatigue de plus en plus présente. Aucune concorde entre nous, vélos et passants empruntent la place pour se rendre sur les champs. Là, la ballade se poursuit sous les marronniers où quelques touristes manifestent leur appartenance à leur pays en chantant ou criant leur joie d’être là.
les vélos
sur la promenade
des espagnols
J’aimerais crier aussi, lorsque la tige se brise. Elle ne sent rien. Mes pétales s’étiolent, mais ses pensées sont tournées ailleurs. Des banderoles dans la lumière invitent le badaud à découvrir une exposition au grand palais.
à l'ombre
des marronniers
le trafic danse
fontaine Wallace
elle distribue son eau
gracieusement
Supplice de tantale, je commence à manquer d’eau, mais elle n’en a cure. Lorsque l’allée arborée disparaît au profit des terrasses de café bondées, je sens que sa flânerie prend fin, elle change d’allure et fuit la foule pour s’engouffrer dans le métro.
mes pois de senteur
détournés du graillon
rentrent sous terre
Arrivé chez elle, je me désaltère enfin à son hospitalité.
ma senteur
se requinque
dans le vase
et nous dînons face to face.
* kigo: mot de saison; mukigo: mot sans saison