Chaque soir
Chaque soir, à la sortie du bureau, depuis un mois, j'entends les harmoniques d'un oiseau non identifié que j'écoute avec délectation. Est-ce un merle un étourneau ? Surprise par l'heure tardive de ce chant.
Détaché du reste de la ville, son chant dans la nuit éclairée, fait naître dans ce monde turbulent un espoir.
Perché sur un peuplier du bord de Seine, invisible, ses modulations, qu'il porte très haut au-dessus des voitures, me mettent en joie. J'attends que le feu passe au vert pour traverser et laisse passer plusieurs feux en écoutant ce qu'il a à dire. La tête haute je rentre chez moi.
faisant fi de la circulation
ses trilles
Sortie de bureau
Sortie de bureau. Il fait un bout de chemin avec moi. Nous traversons la rue, puis la cour carrée. Il se présente, Moklar, je me présente, neko, il enlève son gant pour me tendre la main, mes mains sont occupées par deux grands sacs, je lui fais signe que je ne peux lui serrer la pince. Il remet son gant. Le technicien d’entretien du Louvre a fini de se coltiner les feuilles d’automne, quel travail ! Enfin, il va pouvoir revenir à l’intérieur du bâtiment pour l’hiver. Il m’accompagne et me propose de prolonger notre entretien, c’est sa spécialité, pour faire plus ample connaissance, mais je rentre chez moi où je suis attendue. Il semble déçu, mais me souhaite néanmoins poliment "bonne soirée" et poursuit sa route.
sorti de l’ombre
le chemin des travailleurs
croisement
origami
Devant le stand d'origami, je m'arrête, fascinée par ces pliages japonais minuscules qui relèvent de l'art acrobatique. Je flashe sur une guirlande de lanternes en papier aux tons bleus qui fera très bien sur mon pin de Noël, sape en moins. L'échange avec l'artiste me replonge dans le passé. Je me revois, enfant, avec mon père, des papiers de diverses couleurs étalés sur la table, en train de plier ces petits carrés selon un modèle établi, Joyeux origami, qu'il avait ramené du Japon. Une lumière s'allumera pour lui à Noël.
origami
les pliages passés
s'animent
La femme accroupie
La première fois que je l'ai vue, j'ai pensé qu'elle avait une drôle de position pour boire son café du matin. Face aux baraques de Noël, à la sortie du métro, accroupie un gobelet de plastique à la main.
Chaque matin, elle est là, à visage couvert, ses yeux heurtent la paroi de Noël, être silencieux, quémandant, des restes d'humanité...
femme accroupie
gobelet sans café
nouvelle recette
De retour du jardin du Luxembourg, mes pas me conduisent devant l'assiette qu'un jeune chef est en train de photographier dans la rue. Je m’approche pour regarder le contenu et il m’en explique simplement la composition. Coquilles saint-Jacques avec purée de carotte et beurre de carotte, le tout dans une harmonie d'automne jaune et orange. Avant de retourner, satisfait, dans sa cuisine, il me laisse goûter du bout du doigt la purée, qui, même froide, reste délicieuse et dit : une nouvelle recette verra le jour.
bout du doigt
la recette
en avant-première
* aucune publicité ne sera faite sur le restaurant !
que d'eau, que d'eau
Que d'eau, que d'eau ! en ces temps de sécheresse, la mer cache bien sa profondeur. L'île en mai est sujette à nidification. Les yeux, les oreilles, mais aussi le nez sont sollicités. Que d'oiseaux sur terre et sur mer !
côte sauvage
les oiseaux rassemblés
pour nicher
la multitude
de cris tournoie
ombres chinoises
~
les duvets blancs
accrochés aux ronces
dans le vent
~
l'ombre
de l'envergure
sur la lande
Parfois dérangée par les humains, une mouette s'énerve :
bout de piste
les trois œufs du nid
de la mouette
~
les palombes
entre chien et loup
sur le terrain
Les merles nombreux ce printemps cherchent leur nourriture sur la lande ou sur l'estran. Au port de la Meule, une canalisation déverse son faible débit, la terre est humide.
le merle
sur l'estran
à marée basse
~
point d'eau
oiseaux de terre
et de mer
~
point d'eau
mésanges et verdiers
sur le port
Charmée par le pinson, les mésanges, les merles, je m'interroge sur comment photographier leur chant. Tout s'emmêle lorsque le pêcheur repeint son mât sur fond de Mexicoooooo.........
les trilles
concurrencent
Luis Mariano
Les islais disent que lorsqu'on voit le continent, c'est signe de mauvais temps.
sur les fils
des hirondelles
ou martinets ?
Et le soir sur la plage,
marée basse
les étourneaux un à un
sur le goémon
Tandis que dans le jardin, le merle s'est enfui lors de la taille du chèvrefeuille, abandonnant sa nichée.
nid de ficelle
les œufs mort-nés
du merle
Et que neko est à l'affût,
vanneau huppé
sur la langue
le chat sourit
et se pose des questions existentielles après six mois d'absence,
le cormoran
sur le rocher
est-il le même
Mais heureusement avant de se coucher,
crépuscule
le chant du coucou
ferme le jour
Bonne nuit !
C'était nekojita pour radio Neptune, la radio ogienne... aviaire
rassemblement
Ce balayeur sort de l'ordinaire, sa façon de ramener sous son balai les feuilles égarées en automne et les fleurs fanées au printemps l’absorbe totalement. La chose la plus importante est d'organiser ses petits tas, respirant un dernier parfum d'olivier, celui de son pays peut-être. Son rôle d'embaumeur et d'ensevelisseur m'émeut chaque fois que je le vois œuvrer, sa conscience professionnelle dans ce monde indiscipliné est une leçon d'humilité.
rassemblement
le balayeur et les fleurs
de l’olivier
Paris vingtième
Paris vingtième commémore les cent quarante ans de la commune. Ce quartier de ruelles, d'ateliers, de cité-jardins au double passé rural et ouvrier sert de parcours d'art. Départ, rue des cascades où se trouve l'espace Louise Michel, qui devient pour l'occasion la rue commune.
rouge dominant
les femmes ont la parole
chez Louise Michel
~
Un plus pour le public et les badauds, les ateliers sont ouverts.
le raku d'Igor
céramiste au prénom
d'homme
~
rue des arcades
le mur commun s'anime
des coups du pinceau
~
50 artistes et plasticiens ont investi différents lieux, allant de la rue des arcades à la rue Ménilmontant jusqu'à la rue du retrait. Ce parcours, compte tenu de la topographie, est une suite d'escaliers et de ruelles.
escalier montant
les fleurs de robinier
déjà à terre
~
rue Ménilmontant
la fresque des commun'artistes
en descendant
~
spectacle de rue
des lieux communs aux gens
du vingtième
~
Rue du retrait, la chapelle du patronage Saint-Pierre, sert de lieu d'exposition aux ateliers de Ménilmontant. Les invités ont parfois du génie. Un personnage historique interprété...
la vierge rouge
de la chapelle désaffectée
re-visitation
Le 8 mai
Le 8 mai commémore aussi les cent cinquante ans de la naissance du grand poète bengali, Rabindranath Tagore. Une amie organise une après-midi lecture en bengali anglais et français, et nous goûtons à son thé sous le charme des mots d'amour chantés dans une langue chuintante aux sonorités agréables.
le thé
de Tagore
à la cardamone
~
de Ronsard
à Tagore
la même cueillette*
Un voyage dans une langue à la fois connue et inconnue. Suis-je arrivée à ma porte après avoir frappé à toutes les autres, pour le citer (... Le voyageur doit frapper à toutes les portes avant de parvenir à la sienne). Une poésie qui occupe son univers d'un rien, conscient de la moindre petite chose, d'une fleur qui s'ouvre ou se fane ; une expression culturelle différente du haïku, mais qui dit la même chose.
* Offrande Lyrique :
Cueille cette frêle fleur, prends-la vite! de crainte qu'elle ne se fane et ne s'effeuille dans la poussière.
S'il n'y a point place pour elle dans ta guirlande, fais-lui pourtant l'honneur du contact douloureux de ta main; cueille-la. Je crains que le jour ne s'achève avant que je ne m'en doute et que le temps de l'offertoire ne soit passé.
Bien que sa couleur soit discrète et que timide soit sa senteur, prends cette fleur à ton service et cueille-la tandis qu'il en est temps.
Alerte !
Alerte ! il ne l'est plus. J'ignore de quelle couleur est la nuit, mais son visage est blême. Le rythme syncopé des claques lui redonne couleur. Sa vie entre mes mains. Le lendemain, le soleil se lève comme à son habitude :
son corps se vide
le cœur fané des jonquilles
et des tulipes