Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CHICHINPUIPUI
Archives
22 août 2008

Santoka, Zen à pas comptés (2)

Santoka, dans son journal de la mendicité (1930) écrit :

« S’il y a une montagne, je regarde la montagne.   
s'il pleut, j’écoute la pluie.                        
Printemps, été, automne, hiver,                              
demain sera bon et                                                
hier soir était bon aussi ».                                    

山あれば山を観る    yama areba yama o miru
雨の日は雨を聴く    ame no hi wa ame o kiku    
春夏秋冬               haru natsu aki fuyu   
あしたもよろし         ashita mo yoroshi
ゆふべもよろし        yûbe mo yoroshi

Il écrit un peu plus tard.

« Je me sens solitaire le jour où je ne marche pas.
Je me sens solitaire le jour où je ne bois pas.
Je me sens solitaire le jour où je n'écris pas de poème.
Je ne me sens pas solitaire même si je marche seul,
même si je bois seul, même si j'écris seul un poème. »

 

歩かない日はさみしい、 arukanai hi wa samishii
飲まない日はさみしい、nomanai hi wa samishii
作らない日はさみしい、tsukaranai hi wa samishii
ひとりでいることはさみしいけれど  hitoride iru koto wa samishii keredo,
ひとりで歩き、ひとりで飲み、ひとりで作って hitoride aruki, hitoride nomi, hitoride tsukutte
いることはさみしくな iru koto wa samishikunai.

 

Ses haïkus sont de forme libre et orale, il utilise souvent le temps passé, contrairement aux classiques, qui, lorsqu'ils utilisent un verbe, l'écrivent au temps présent.
Concis, en peu de mots, il dit l'essentiel d'une manière narrative, une belle poésie minimaliste.

へうへうとして 水を味ふ
heu heu toshite mizu o ajiwau

tout en chancelant
je goûte l'eau

*

ぬれててふてふどこへゆく
nurete tefutefu doko e yuku

 

le papillon mouillé
où va-t-il ?

*

 

酔うてこほろぎと寝てゐたよ
youte jôrogi to nete itayo

saoul
j'ai dormi avec un grillon

*

かなかなないてひとりである
kanakana naite hitori de aru

quand la cigale chante
je me sens seul

*

 

つかれた脚へとんぼがとまった
tsukareta hashi e tonbo ga tomatta

sur ma jambe fatiguée
une libellule

*

鉄鉢の中へも霰
teppachi no naka e mo arare

même dans mon bol
il grêle

*

分け入れば水音
wakeireba mizu oto

j'avance plus loin
le bruit de l'eau

*

秋風の石を拾う
akikaze no ishi o hirou

vent d'automne
je ramasse une pierre

*

笠も漏りだしたか
kasa mo moridashitaka

même mon chapeau
commence à filtrer

*

私にあつては、生きるとは句作することである、句作即生活だ。 
watashi ni atte wa, ikiru to wa kusaku suru koto de aru, kusaku sunawachi seikatsu da.
Pour moi, vivre c'est composer des haïkus. Faire un haïku c'est également la vie.

vocabulaire spécifique
kasa = chapeau de paille du moine
teppachi = bol en fer du moine mendiant
kanakana = cri de la cigale.
jôrogi = grillon
tefutefu = papillon

Extraits de Santoka, Zen à pas comptés (Éditions Arichi, 2008).

Publicité
Commentaires
C
effectivement Marcel Peltier pourrait t'en parler. Sa recherche poétique va au-delà du haïku. D'ailleurs, il ne nomme plus ces textes que fragments.<br /> Je pense que le haïku fait partie d'un immense champ d'exploration, mais qu'il n'est pas seul.<br /> J'avoue mes déviances dans le poème court ou minimal, mais j'essaie de rester dans l'esprit du haïku, dans le vécu, le ressenti. Une évolution qui ne m'empêche pas de continuer à en écrire.<br /> amitiés, neko =^..^=
Répondre
C
Bonjour,<br /> <br /> Je suis désolé: mon long commentaire s'éloigne sans doute de Santoka.<br /> <br /> J'ai toujours un peu de mal à m'exprimer à ce sujet: la "dé-construction" dont je parle me semble un peu différente. Elle peut exister pour aller à l'essentiel ou aller au delà et faire perdre son sens aux choses (le process devenant l'essentiel et le but l'accessoire).<br /> <br /> Prenons le passage de l'art moderne des débuts au minimal art (un tableau blanc avec un point, par ex): dans le premier cas nous avons une déconstruction des formes qui peut aller à l'essentiel (pas de perte de sens). <br /> <br /> A partir du minimal art, si l'on examine l'objet en tant que tel, on ne peut pas "découvrir" une oeuvre: c'est bien l'artiste, reconnu par la société en tant que tel, qui indique sa présence.<br /> <br /> Regardons maintenant le haïku: nous avons un assouplissement des formes(passage à un rythme libre et un nombre de pieds +/- grand), liberté des thèmes et absence de kigo, etc... On peut, jusqu'à un certain point, reconnaître la présence d'un haïku, mais au delà? On passe à une forme courte libre. J'ai déjà vu des poèmes de 4 vers qualifiés de haïkus, par exemple. Et le travail de Marcel Peltier me semble une illustration de cet écart grandissant: une poésie courte d'excellente facture, mais en dehors du haïku, peut-être. Jusqu'à présent, nous sommes encore dans le cas d'une simple déconstruction de la forme.<br /> <br /> Mais on pourrait aussi imaginer de raccourcir un poème jusqu'à sa plus simple expression: un ou deux mots...Et là, seul le poète (comme dans l'art) pourrait indiquer qu'il y a là une oeuvre.<br /> <br /> En tout cas, je crois que le caractère de haïku ou non ne disqualifie en rien la qualité d'une composition.<br /> <br /> @mitiés et merci pour cet article riche en réflexions.
Répondre
C
Santoka reste dans la limite du haïku, malgré son modernisme. Ancré dans le présent, élément dans la nature, il jouit de chaque instant.<br /> <br /> Je ne pense pas que la dé-construction fasse perdre son sens à une oeuvre. C'est une autre voie qui permet, par la suite, de retrouver la construction véritable d'une oeuvre et d'aller à l'essentiel.<br /> <br /> Je suis ouverte à toutes sortes d'exploration poétique. Ce qui me permet de me rapprocher ou de m'éloigner du haïku, cet art difficile.<br /> <br /> Merci pour cet éclairage sur la construction japonaise.
Répondre
C
Merci pour cet article très intéressant que je découvre à l'instant.<br /> <br /> Les classiques utilisaient parfois le passé grace à des auxiliaires tel que "keri" (dont "ta" serait une forme moderne), mais je ne savais pas que des modernes utilisaient "ta".<br /> <br /> Je crois que tout le questionnement du "libre en haïku" est similaire avec celui de l'art moderne: à force d'aller loin dans la dé-construction, une oeuvre peut perdre son sens. Il ne reste alors qu'une personnalité d'artiste. Mais Santoka ne semble pas aller jusque là.
Répondre
C
Santoka est un poète que j'ai toujours aimé, bien avant Bashô et les autres. Mais c'est une écriture libre, un langage parlé et les puristes du haïku peuvent ne pas l'apprécier.
Répondre
CHICHINPUIPUI
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 150 997
Newsletter
2 abonnés
Publicité